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Cache-cache dans la cordillere Huayhuash

Lundi 17 avril 2017, nous voici en route pour la cordillère Huayhuash ! « le plus beau trek du monde » selon les agences de voyage. Une chose est sûre, c’est que de la Colombie-Britannique canadienne aux Andes péruviennes, on ne ménage pas les superlatifs. Plus beau ou pas, le tour de la cordillère Huayhuash va nous permettre de nous acclimater en restant au dessus de 4000 pendant 5 jours consécutifs. Le trek se fait en 10 à 12 jours habituellement mais lorsque nous avons vu les étapes, nous avons eu un peu peur de nous ennuyer…et puis si l'ami Hugo l'a fait en 5 jours, pourquoi pas nous ? Bon, ça c’était avant de nous confronter à l’altitude. On est jeunes, vigoureux, insouciants, et qui conquiert sans difficultés triomphe sans gloire.

4h30 (du matin) à Huaraz. Petits yeux, gros sacs. Ça faisait longtemps qu'on ne s’était pas levé si tôt. Les approches canadiennes tardives nous ont ramollis. À peine arrivés à la gare, une voix derrière nous : « Vous êtes français ? ». Et voilà comment on agrandit l’équipe de La Voix des Cimes ! Denis, ingénieur en sabbat comme nous, a aussi des petits yeux et un gros sac. Lui aussi part pour 5 jours en autonomie sur la cordillère Huayhuash, et lui aussi est un baroudeur international. Sans qu'aucun de nous trois ne se concerte, il est évident que nous marcherons ensemble. Breton habitant le pays basque depuis quelques temps, Denis a le sourire large, la parole facile et l’espagnol courant, gros atout au Pérou. Depuis 6 mois qu'il voyage du Népal au Pérou en passant par la Patagonie, l’Argentine et le Chili, il a eu le temps d’emmagasiner pas mal d’expérience qui nous sera bien utile.

Le bus part de Huaraz et va jusqu’à Chiquìan, où nous devons changer de bus pour rouler sur une route en terre jusqu’à Llamac, puis Pocpa, début du trek. Les essieux couinent, les chiens s’écrasent sous les roues (dommage il était mignon) et les fessiers rebondissent au rythme des ornières. Bientôt nous découvrons ce que leslocaux appellent la « taxe pour la communauté ». Une belle invention qui permet aux locaux de faire payer le droit de passer dans leur « village », qui se résume parfois à une cahutte en torchis et toit de paille habitée par une vieille édentée et un coq asthmatique. Alors que nous prenons conscience que nous allons nous faire plumer à chaque pseudo village pour remplir la casserole des paysans (comme le coq asthmatique) , nous décidons d'un plan de bataille. Nous passerons par les hauts cols, au plus près des sommets. Plus économique et plus grandiose surtout (merci camptocamp) !

Notez que nous n'agissons pas là comme de vils occidentaux bien nantis qui refuseraient l'obole aux pauvres paysans péruviens qui vivent dans la misère et le dénuement le plus total. Que nenni ! Au total, ces droits de passage censés contribuer à aménager les sentiers, aider les communautés villageoises ou autres représentent 230 soles pour l'ensemble du trek, à raison de 10 soles par ci, 25 soles par là, voire 60 soles parfois. Sachant que les chemins ne sont aménagés que par le passage des mules et qu'il est possible de manger un repas complet et copieux pour 5 soles, le touriste est clairement pris pour le dindon de la farce. D'autant que rien n'a l’air officiel. Pas de panneaux, pas de tampons, pas de réglementation. Juste un type perdu au milieu de nulle part qui surgit et demande à « pagar los boletos », (payer les billets). Encore faut il faire attention à ce que le paysan en question inscrive la date exacte, sinon l faudra repayer à l'occasion d'un contrôle ultérieure. C'est la raison pour laquelle, avec l’expérience Denis, La Voix des Cimes se transforme en escadrille de haute resquille. Tant mieux, on tombe sur des vallées perdues et des cols oubliés où il nous faut tracer dans la broussaille, les rocs, et les mouilles-pieds (terme inventé par Denis pour designer les marais tourbeux à proximité des lacs, donc partout dans la cordillère Huayhuash). Nous serons récompensés par des vues splendides, des bavantes solides et des descentes (un peu) sordides.

Le premier jour de trek, tout frais, prêts à en baver, nous attaquons notre premier col à 4847m d'altitude. Nous marchons dans les terrasses aménagées sur les pentes au dessus de Pocpa. Du bas, les villageois nous crient dessus pour nous indiquer le chemin à travers les cactus et les épineux. Les villageois que nous rencontrent ont un art du sous entendu très subtil : « Holà ! Je suis guide… » Merci nous savons marcher tout seuls comme des grands. Denis, fort de ses expériences précédentes est goguenard : « Vous verrez, ils sont tous guides ici ! ». Arrivés au col, nous réalisons à peine que nous sommes au dessus du Mont Blanc ! Nous ne sommes jamais allés aussi haut et pourtant nous sommes en short, baskets et t-shirts, du vert partout autour de nous et les pieds dans les bouses des vaches qui broutent partout autour de nous. 4800 m ici, c'est comme 2000m chez nous en fait. Surprenant….

Une vache

Au cours de ces 5 jours il aura plu tous les jours, pas plus d'une heure chaque fois, mais suffisament pour tout tremper, et laisser sur nos affaires la pire odeur de moisi qu'il nous a été donné d'experimenter! Les vieux clodos de Grenoble pas lavés depuis un quart de siécle sentent le Chanel 5 a côté de nos chaussetes!

Le deuxième jour, nous en bavons toujours autant, on apprend a considérer 300m/h comme étant un rythme convenable au dessus de 4500m, nous haletons, nous nous trainons, nous rampons misérablement jusqu'au sommet de chaque col! Cependant la pitance de midi s'est considérablement améliorée depuis que l'on a quitté les terres anglo-saxonnes : loin de la bouillie de pain sans consistance, du fromage caoutchouteux et des fruits pas murs du Canada! Ici c'est avocats, fromage de ferme, et VRAI PAIN! Le prochain col a 4950m entre les pics Bayo est envisagé avec plus d'entrain, et une loooongue descente à travers les replis infinis de ces montagnes nous conduit au fond de la vallée Segyo! Notre carte au 75000 nous renseigne autant sur le relief qu'un album de spirou et fantasio en hébreu! Une gorge de 200 m de large y représente quelque chose comme 2mm autant dire que lorsque l'on prévoit de tirer une droite dans la pente nous avons en fait le droit d'aller nous faire voir (et de remonter et redescendre un paquet de fois)!

L'altitude ca fait maaaaal

Le Siura (6016m)!

Ce genre de galère d'itinéraire atteindra son paroxysme le troisième jour! Après avoir remonté la vallée jusqu'au lac glaciaire sous le somptueux Seria (6016m, un bébé quoi), nous continuons encore en direction d'un col qui n'existe que sur le topo camptocamp! Nous sortons à plus de 5000m en pataugeant dans de la neige sans consistance et sous un soleil de plomb! Super, le début de la descente se fait dans une terre ocre bien portante, nous allons être en bas en un rien de temps! C'était sans compter une nouvelle surprise, bien foireuse cette fois, de notre carte de Dora, exploratrice peut-être mais pas spécialiste de la cordillére Huayhuash! Au fur et à mesure que nous perdons de l'altitude, nous sentons la galère arriver, ce qui ne nous empêche pas de foncer dedans en mode "on est des gros keums d'alpinistes ,on passe partout". Nous voyons donc de moins en moins le terrain devant nous, puisque celui-ci plonge a pic! Nous sommes en fait de nouveau au dessus d'une vieille moraine latérale en décomposition,comme en nouvelle-Zelande au Hooker Glacier! Le terrain est pourri, détritique, et monstre raide (un poil mieix qu'en nouvelle Zelande cependant, il faut dire qu'on avait cru mourir!) ... Hoho... Nous passerons en louvoyant au milieu de vires herbeuses expo, d'un saut de 1 mètre 50 dans une gorge paraissant moins raide que les autres, d'un rétablissement à la Jason Bourne, et de pas de desescalade sur conglomérat! Quelques appuis mal dosés donneront lieu a des chutes de mégalithes rendant pittoresques les bombardement à la MOAB de Donald Trump. FINALEMENT, nous arrivons tous en bas en un seul morceau. Du coup, il se met à pleuvoir, et nous décidons d'esquiver le col San Antonio moyennant une marche plat pendant 15 kilomètres! En voilà une bonne journée, la rando ça détend on vous dit!

Une descente inspirante

Ca a l'air chouette, hein?

Comme nous détestons toujours autant les sentiers battus, nous partons le lendemain en direction d'un superbe col indiqué par un berger péruvien, coupant à travers la montagne et nous évitant un bon détour vers le Sud! Bon, sur la carte il y a un glacier et nous n'avons que nos baskets, mais s'il dit que ça passe!

Nous nous frayons un itinéraire au milieu des replis d'anciennes moraines, sous les splendides aiguilles rocheuses des Nevados Puscantupas! Le col est alpin, et débouche à quelques centaines de mètres du glacier Trapecio, nous rencontrons même un groupe de muletiers! Nous mangeons sous la grêle puis nous restons à niveau, à la fois pour éviter les villages et donc de nouvelles taxes, mais aussi pour diminuer l'ascension restante jusqu'au col Ciula Punta. Celui-ci est le point d'orgue de notre tour : depuis celui-ci les géants de la cordillère Huayhuash vous écrasent, le Yerupaja, le Jirishanca, le Siula Grande...Autant de sommets de plus de 6000m aux faces extremement raides et effrayantes. Au pied du col, trois grands lacs remplissent le fond de cette vallée ultra-encaissée, et nous poserons notre plus beau bivouac au bord de l'un deux. Nous passerons la soirée tels des paparazzis a mitrailler la star locale, le Jirishanca, incroyablement effilé et rayonnant sous la lumière orangée du coucher de soleil.

les aiguilles rocheuses des Nevados Puscantupas!

Le Yerupaja et le Jirishanca, maitres des lieux

Oh my god, it's an avalanche!

Notre dernière journée de marche fut rendue bien plus excitante par cette partie de chat et de la souris que nous avons joué toute la journée avec les "communautés" de locaux! En effet, nous tombons par surprise sur une habitation non marquée sur la carte, où après quelques amabilités nous nous voyons prélever 25 sols chacun! Un peu échaudés nous décidons de passer au large de toutes les prochaines cahuttes, et nous lancons en direction d'un col sans l'ombre d'une trace, epié du bas par un

berger décontenancé!

Néammoins, nous nous retrouvons donc à ouvrir un nouvel itinéraire avec une carte au 75000 et nous devrons de nouveau naviguer entre les barres rocheuses à la descente! Nous dejeunons, il grêle, nous repartons. Nous commençons à devenir paranos, et esquivons le moindre berger, c'est dommage car ceux-ci sont extremement gentils et amicaux quand ils ne sont pas en charge de vous vider le porte-monnaie!

Nous retrouvons finalement le sentier principal, une dernière petite descente, et hop, nous voilà au bord de la route au nord de la cordillère! Nous y rencontrons d'autres trekkeurs qui eux font l'itinéraire dans le sens conventionnel, mais un peu dépités d'apprendre que le droit de passage dont ils ont déja fait l'expérience va se répeter une dizaine de fois durant leur boucle! Nous découvrons également notre itinéraire sur la bonne carte au 50000 d'une quebecoise : celui-ci parait surréaliste quand on dispose du détail d'une meilleure carte!

Le maigre, le sale, et Jesus

Et enfin, après une dernière nuit humide, nous repartons sur la route en direction de Llamac, notre point de départ. Nous marchons deux kilomètres avant de croiser notre bus du premier jour! Celui-ci nous récupère et nous ramène finalement à Huaraz via la nouvelle route au Nord de la cordillère!

Au final, nous aurons fait notre tour à nous de la cordillère Huayhuash, en n’empruntant presque pas le chemin officiel, en esquivant presque tous les villages, en dormant toujours là où il n'y a pas de campements officiels, en 5 jours au lieu de 10, et dans les sens contraire à ce qui se fait normalement qui plus est ! Nous laissons Denis à Huaraz d’où il continue sa route jusqu’en Alaska en stop et en trekking et montagne d’ici août prochain. D'ailleurs, si des skippers sont intéressés, il prévoit de rentrer en France par bateau-stop ! N’hésitez pas, c'est le compagnon d'aventure idéal ! denis_md(arobas)hotmail.fr

Maintenant que nous voilà acclimatés, nous avons l'envie féroce de ramener nos premiers petits sommets en haute altitude, pour nous faire la main avant d'attaquer nos gros objectifs!


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