Tribulations dans les Darrans
La descente du Talbot, dans le massif des Darrans!
Cela fait un long moment que nous n'avons pas écrit et vous vous demandez peut-etre ou nous sommes. La wifi est quelque chose de rare en Nouvelle-Zélande, surtout dans les montagnes. Ajoutez à cela quelques galeres, et nous voila contraints au silence depuis quelques temps!
Après notre ascension de l'Aspiring, nous étions quelque peu fatigués: vous avez peut-etre pu le deviner à nos jeux de mots vaseux dans notre dernier article. Nous avons donc décidé de rejoindre Queenstown, au sud de Wanaka. On peut dire sans prendre trop de risques que Queenstown est l'endroit qui ressemble le plus à une vraie ville en Nouvelle-Zélande. Du monde plein les rues, des magasins ouverts, des supermarchés qui restent ouverts après 17h et des bars partout ! C'est dans ce cadre apparemment parfait que nous nous reposerons pour mieux rebondir ensuite. Le problème est que le rebond a tardé à venir, et nous avons plutôt eu l'impression de chuter désespérément de plus en plus bas à mesure que le piège queenstownien se refermait sur nous.
La ville de Queenstown vue depuis le station de telesiege, sorte de Bastille locale, evidemment pour 30 dollars l'aller-retour, nous sommes montes en courant...
Au début, tout va bien. Nous rencontrons Alex, un parapentiste allemand installé à Dunedin depuis 2 ans. Il revient d'un trip en parapente de plusieurs jours et nous amène à Arrowtown, à quelques km de Queenstown. Il nous propose même un vol biplace pour le lendemain ! Dans la soirée, nous retrouvons Justine et nous rencontrons enfin la fameuse Nono (alias Noémie) que nous avons déjà l’impression de connaître tellement Justine nous en a parlé. Elles travaillent toutes les deux à Queenstown le lendemain, mais pour nous, il est temps de célébrer nos réussites en montagne ! Direction le centre ville et ses bars donc. La tournée des tripots commence bien, les ambiances sont variées et les gens détendus et ouverts à la discussion. Nous suivons deux américains dans une sorte de boîte où nous detonnons avec nos pantalons d'alpi et nos doudounes moisies mais qu'importe ! Alors que nous commandons notre x ème boisson (toute raison gardée bien sûr), la barmaid nous tend des verres d'eau. Peut être n’a-t-elle pas compris notre demande. Nous redemandons nos boissons. Elle nous indique les verres d'eau. Nous croyons désormais à une blague locale. Non, elle paraît sérieuse et à la limite de l’agressivité. On ne comprend plus. Nous ne sommes pas ivres, justes barbus, chevelus et crasseux. L'un de nous deux (devinez qui) insiste et hausse un peu le ton pour avoir nos boissons. La harpie derrière le comptoir devient franchement antipathique et nous hurle dessus pour couvrir la musique. Incompréhension totale, on veut nos drinks qu'on a payés ! On va même jusqu’à engloutir en cul-sec le demi litre d'eau qu'elle tient tant à nous faire boire, histoire de montrer notre bonne volonté. Impossible d'avoir nos boissons quand même, et l'un de nous (toujours le même) s’énerve franchement. Ni une ni deux, voilà un alpiniste barbu, chevelu, crasseux et quasi sobre jeté dehors par la sécurité. Les tentatives pour rerentrer et ravoir nos boissons seront infructueuses. On ne comprend toujours pas pourquoi nous avons été si mal reçus alors que tout allait au mieux. Nous nous consolons en blâmant les locaux pour leur pudibonderie à l’égard de l'alcool, à l'image du puritanisme excessif des Américains.
Le lendemain, après un lever tardif, nous sommes censés rejoindre Alex à Coroner Peak au dessus de Queenstown pour un vol en tandem. Il a quelques vols avec des clients avant nous et nous attendons au soleil en admirant les parapentistes au décollage. Le spectacle des voiles qui virevoltent au gré des vents et des thermiques est apaisant et nous passons l’après-midi à rêvasser. Enfin Alex arrive. Corentin enfile le harnais, coiffe le casque, prêt à faire son premier vol. Mais la poisse de Queenstown ne fait que se confirmer et un mauvais vent de côté et de dos se lève. Les conditions sont trop dangereuses, le vol est annulé. C'est la loi de la nature, comme en montagne, et nous nous résignons sans trop de mal. D’autant qu'Alex nous invite à le rejoindre plus tard à Dunedin pour voler avec lui. Il nous offre même de rester chez lui quelques jours !
L'aire de decollage sous le Coronet Peak
Le lendemain dimanche, journée préparation et planification pour la suite du voyage. L'inertie de Queenstown n'a que trop duré et il nous faut bouger sinon nous allons rouiller ! Enfin rouiller, tout est relatif, nous courons, faisons quelques tractions et etirements a peu pres chaque jour. Nous prévoyons de grimper avec des montagnards locaux le lendemain et de rencontrer enfin Mark Austin, le guide kiwi contacté plusieurs mois auparavant. Rencontrer des grimpeurs à Queenstown est assez aisé. Tout passe par Facebook et la communauté est très active dans les environs. Pourtant, nous ne parviendrons pas à rencontrer ni Mark Austin, ni d'autres grimpeurs à cause des emplois du temps de chacun. Par contre, nous avon s pu avoir beaucoup de renseignements sur les courses à faire dans les environs et nous savons parfaitement où nous diriger ensuite.
13km a pied, ca use, ca use...
Nous partons donc lundi pour la « Grand Traverse » de Single et Double Cone. Située dans le massif des Remarkables juste au dessus de Queenstown, c'est la classique du coin. Une longue arête en rocher facile qui demande quelques poses de protections dans du 5b/c maximum. Mais avant d'arriver au pied de la voie, il faut d'abord se faire prendre en stop pour monter jusqu’à la station de ski des Remarkables. Et à Queenstown, nous découvrons la dure loi de l’autostop. Plus il y a de monde, surtout des touristes, moins l’autostop est facile. Les voitures défilent en continu, la pluie menace et nous attendons plus d'une heure avant qu'une bonne âme daigne nous avancer de 5 km. L’après-midi est déjà bien avancée et il pleut des seaux. Nous croiserons exactement deux voitures qui montent mais qui ne s’arrêteront pas malgré nos sacs énormes, la pluie et nos têtes désespérées à l’idée des 13 km de montée monotone qui nous attendent le long de la route bitumée. Les écouteurs vissés aux oreilles nous avançons machinalement et quand une voiture s’arrêté à notre niveau alors qu’il nous reste 4 km jusqu’à la station, nous avons du mal à réaliser que c'est pour nous qu’elle s'est garée. La chance tournerait elle enfin pour les galériens que nous sommes ? On dirait bien puisque nous allons dormir au chaud et au sec alors qu'une tempête de neige fait rage dehors en plein été ! Nous trouvons en effet refuge dans le bâtiment de vente des forfaits qui est en travaux pendant les mois d’été. Nous demandons aux ouvriers si nous pouvons nous abriter à l’intérieur pour la nuit. Notre interlocuteur ne semble pas comprendre que l'on parle de cet immense bâtiment dans lequel il travaille et semble nous répondre par l'affirmative. Il nous prévient pourtant que le bâtiment est verrouillé pendant la nuit. Une fois seuls dans la montagne, les ouvriers ayant rejoint leurs maisons dans la vallée, nous trouvons pourtant une porte restée ouverte. Bon... Qu'il en soit ainsi, nous prenons nos aises au milieu des paires de skis, des caisses enregistreuses et des outils des ouvriers. Quelques SMS avec Justine et Nono pour les rencarder de ce bon plan chauffé et gratuit et les voilà qui débarquent ! De galériens, nous voilà squatteurs.
Apres les galeres, Mickael Phelps retrouve le moral!
Nous dormons comme des rois sur une moquette moelleuse, la tête collée au radiateur. Il est 7h30 quand nous entendons les graviers crisser sous les roues du 4x4 du premier ouvrier. Vite vite, habillage rangement nettoyage ! Nous émergeons de notre cachette comme si de rien n’était. Hélas nous serons repérés assez vite et nous devrons expliquer notre présence à un ouvrier partagé entre l’étonnement, et l'amusement. Il reste quand même indulgent et se rappelle nous avoir vu monter a pied et trempés la veille. « Ça fait du bien une nuit au chaud et au sec, hein ? » nous lance-t-il, avec un sourire goguenard.
La station de ski des Remarkables, remarquez qu'ici c'est cense etre l'ete...
Après un petit déjeuner vite expédié dans la neige et le vent (on ne peut plus décemment rester au chaud), nous filons à l'assaut de la Grand Traverse du Single et Double Cone histoire de nous réchauffer. Il fait gris,nuageux, on ne voit pas grand-chose t la neige rajoute au blanc du ciel. Pourtant une éclaircie est prévue dans la matinée. Elle n'arrivera jamais. Ou si, mais à 19h… Nous perdons puis retrouvons plusieurs fois le chemin. Après des tentatives vaines pour rester sur le fil de l’arête, nous rebroussons chemin pour essayer de passer en traversée par en dessous. Tout est figé dans la neige et le brouillard. On se croirait déjà au Canada et de visu, les pas d'escalade en PD ressemblent à du ED hivernal.
Ca donne envie, hein?
Belle vue, hein?
Ce genre de traversees glauquissimes nous a conduit a un petit demi-tour...
C'est bien marrant au début et une fois qu'on trouve le bon itinéraire, l’arête nous apparait franchement magique dans une ambiance des plus mystérieuse. Mais bientôt, le terrain se fait plus escarpé, des gendarmes infranchissables nous barrent la route et nous devons nous engager dans des traversées incertaines, de la neige fraiche jusqu’aux genoux. Nous brassins plus que nous grimpons, parfois dans des parties raides rendues exposées par toute cette neige. On devine que l'escalade est ridiculement facile, nos gants détrempés s’agrippent tout seuls sur des bacs monstrueux après qu'ont ait déblayé la neige qui les recouvraient. Au bout d'un moment, trempés de la tête au pied, après un passage plus raide particulièrement glissant, et alors que nous ne savons pas du tout où nous sommes, nous décidons de faire demi-tour. En plein dans le nuage, nous pourrions être sous le sommet du Single Cone aussi bien qu’à 2 km en arrière. Du peu que nous apercevons, la dernière option parait la plus plausible. Nous voilà à revenir sur nos pas, la queue entre les jambes et une sangle en moins, abandonnée au profit d'un rappel improvisé sur becquet enneigé. Après quelques essais infructueux et décourageants pour trouver un raccourci, nous nous en tiendrons simplement à suivre nos traces. Notre premier but aura été sur l’itinéraire le plus facile !
Quand ca se decouvre un peu, la vue est epoustouflante!
A la descente comme pour nous narguer, les nuages se dissipent enfin...
De retour à Queenstown dans la soirée, nous disons au revoir à Justine et Nono que nous reverrons sûrement en France ! Justine aura été du début à la fin comme une fil directeur dans notre voyage, que nous retrouvions régulièrement à chaque retour de montagne. A Justine et Nono, merci pour votre sourire, votre présence et votre voiture la bien nommée Lady Bug !!
Le lendemain, dernière journée de galériens mais une des plus grosses que nous avons vécu jusque là. Le genre de journée qu'on s'est imaginée avant de partir, en se demandant quand ces situations nous arriveraient et dans quelles conditions. Le genre de journée qu'on préférerait éviter mais qui fait aussi partie du voyage et qui fait des choses à raconter, se console-t-on. 5h d'attente pour trouver un stop depuis Queenstown ! 5h à attendre, marcher le long des routes le pouce désespérément levé au cas où, à ne croiser que des animaux écrasés tout plats et aux boyaux éparpillés. Queenstown nous joue son dernier tour. Vers 16h, nous envisageons de revenir en arrière ou de camper à la sauvage au risque de se faire réveiller en pleine nuit par la police locale. Et, alors que tout espoir avait disparu, voici une voiture qui s’arrête ! Et devinez quoi ? Le conducteur, un allemand dénommé Franck, va jusqu’à Milford Sound où nous allons aussi !! La chance tournerait elle enfin ? Pas si vite car après les 3h de route, alors que nous arrivons dans les fjords de la côte sud ouest, il nous faut trouver un endroit où dormir. Endormis et bercés par la route, nous ne remarquons pas le panneau signalant Homer Hut où nous avions prévu de dormir. Nous décidons qu'il est tout aussi bien de pousser jusqu’à Milford Sound et visiter le lendemain ce lieu réputé extraordinairement beau. Franck, notre chauffeur, a réservé une chambre dans le seul motel du coin. Nous espérons pouvoir planter notre tente dans ce lodge à touriste. Il est 20h passé et tant pis si nous devons payer le prix fort. Ah, jeunesse naïve ! Le lodge est bondé de touristes et la fille de l’accueil n'est franchement pas là pour aider. Nous essuyons un refus tout net même pour planter notre tente dans l’endroit le plus pourri du lodge. Les kiwis très majoritairement gentils et conciliants peuvent donc aussi être abominablement obtus parfois, et surtout dans les endroits les plus touristiques,comme nous l’avons vu dans les bars de Queenstown aussi. La règle est immuable et la réflexion face à celle-ci n'est pas même envisagée. Demi-tour donc, de retour sur les routes à la recherche d'un endroit où dormir. Nous marchons au hasard, sans direction précise. Un kiwi nous voit complètement paumés avec nos sac lourds et pleins à craquer. Il nous indique généreusement un endroit idéal pour le camping sauvage à 20 min de marche. Là, personne ne vous trouvera nous assure-t-il. C'est vrai que l’endroit est parfait pour planter sa tente, il y a même une caisse de bois percé qui, au vu de son contenu, doit servir de toilettes… Le site à l'air d’être relativement connu et l'espace d'un instant nous soupçonneront notre inopiné informateur de nous avoir indiqué ce spot pour mieux nous dénoncer. Nous devenons paranoïaques, il est temps de s’allonger ! A cause des sandflies, nous en filons tout nos vêtements, seul le nez et la bouche dépassent. Mais le cadre est bien mieux qu'au lodge et la sensation de défier le système est réconfortante. N’empêche que nous nous lèverons avant l'aube pour plier la tente au cas où quelqu’un aurait la mauvaise idée de venir nous chercher…
Le lac de Queenstown, un des plus longs de Nouvelle-Zelande, 85 km d'un bout a l'autre...
Le long de la Milford Road
Le Kea, pas farouche...
Le stop a Queenstown c'est pas toujours la joie!
Le soir de notre arrivee dans les fiords, non-loin de notre campement...
A partir de là, fini la galère !! Nous visitons Milford Sound et la vue des pics qui plongent dans l’eau et s'y reflètent, des cascades et du ciel bleu nous remettent d'aplomb. D'autant qu’il est rare d'avoir du beau temps ici où il pleut en moyenne 20mm par jour. Nous restons à contempler ce spectacle époustouflant toute la matinée.
Le Tutoko, 2723m, necessitant une fenetre de beau impeccable. Sa face Ouest de 2000m n'a ete grimpee qu'une fois, avis aux amateurs d'aventure et de trek dans la jungle...
Le Milford Sound, c'est beau a pleurer
Les bateaux a touristes
La on etait content!!!
Le Pembroke
À la fin de la journée nous sommes à Homer Hut où nous retrouvons l'ambiance grimpe au milieu (enfin) de grimpeurs locaux venus en force. Nous retrouvons même Jean-Baptiste, le guide français rencontré sur l'Aspiring. Qu'il est bon d'en avoir fini avec la galère ! Depuis quelques jours, nous nous sommes surnommés « La Voix des Schlags ». Les moins de 25 ans comprendront et expliqueront aux plus âgés. Nous prévoyons d'aller grimper Lucky Strike le lendemain. Cette voie de 8 longueurs dans le 6a+, situee sur la face ouest de Moirs Mate, nous a été décrite comme LA classique a à faire absolument et il nous faut nous réhabituer à grimper. Alors que nous sommes déjà dans les sacs de couchages, nous rencontrons notre compagnon de chambrée, un grimpeur solitaire en quête de compagnons. Le voilà intégré dans l’équipe aussi sec (après avoir vérifié qu'il avait le niveau bien sûr) ! Jonas, de son vrai nom, est un suisse allemand de 25 ans, charpentier de métier et bon connaisseur de la Nouvelle-Zélande où il essaie d'obtenir un visa permanent. Dans ce pays, pas de grimpe sans au moins 2h d'approche nous prévient il. Mais, dans notre cas, quelle approche ! Nous crapahutons jusqu’à Homer Saddle, juste au dessus du tunnel allant à Milford Sound. L'ambiance est démente, avec du gaz de partout et une arête suspendue au dessus de la vallée que nous devons traverser pour rejoindre le pied de la voie. Nous ne sommes pas tout seuls mais tous s’étalent sur les différentes lignes et personne ne se gênera.
En compagnie de Jonas, notre ami suisse, alpiniste autostoppeur egalement...
L'arete au dessus de Homer Saddle et menant a Lucky Strike...
Dans la derniere longueur de Lucky Strike, 1000m au dessus de la route!
Un mot sur la grimpe comme elle est conçue par les néo-zélandais. Alors que nous français arrivons remontés à bloc pour nous lancer sur chaque bout de caillou, souvent dans un esprit de performance, les kiwis ont une approche résolument plus contemplative, sans-doute due aux conditions souvent incertaines, aux approches conséquentes, et à l'engagement permanent. Pour résumer, ils ne se prennent pas la tête, que ce soit pour les horaires, les cotations, ou de supposés principes éthiques de grimpeurs. La plupart commencent à grimper vers 13h, ce qui nous semble surréaliste, puis attaquent les rappels au milieu de la voie, sans regrets : ce qui compte c'est simplement de passer un bon moment en montagne. Au vu des réalisations impressionnantes qui peuvent être trouvées dans les topos, certains kiwis doivent pourtant être bien énervés, et ceux-ci sont particulièrement actifs dans les massifs réputés difficiles, la Patagonie, l’Himalaya. Néanmoins, ceux avec qui nous avons pu grimper sont extrêmement détendus.
Lucky Strike donc, c'est 300m de granite excellent, où la plupart des longueurs sont équipées, mais qui nécessite sur certaines sections de protéger soi-même dans de bonnes fissures. On grimpe donc plusieurs centaines de mètres au dessus du tunnel, dans une ambiance de fou au milieu de cet amphithéâtre de cascades et de faces vertigineuses. L'escalade est continue dans le 6a/b, majoritairement en dalle, ponctuée de petits surplombs à bonnes prises. Grimper à trois avec Jonas nous permet assurément d'augmenter la quantité de stupidités racontées a chaque relais ! Tout ça sous un grand soleil d'été, enfin, et une brise légère, le bonheur quoi…
Le lendemain, Ceri, la gardienne du refuge (en fait une anglaise installée en Nouvelle-Zélande depuis 5 ans en tant que médecin et qui passe ses vacances comme bénévole dans les refuges) rejoint a son tour notre équipe. Direction l’arête Est du mont Talbot (2100m et quelques). L'itinéraire étant plus alpin, nous pensions à un départ matinal, vers les 4h du matin…Mais non, ici on est en Nouvelle-Zélande, nous partirons peu avant 8h, en France, cela correspondrait au réveil des marmottes ! L'approche est plaisante, à plat jusqu'au fond de la vallée, puis s'élevant vers le black lake, parcourant ensuite des dalles faciles mais ludiques jusqu'au petit glacier encore présent sous l'arête…Arrivée à celle-ci, nous ne pouvons que constater la présence de neige dans la voie, la gardienne décide donc que nous pique-niquerons avant d'essayer de grimper quelques longueurs un peu au hasard sur les contreforts de l'arête…Relax, on vous dit ! Néanmoins ces longueurs ont un petit goût d'ouverture, poser ces petits friends si souvent trimballés sur ce granite excellent, on se croirait grimper à l'aiguille du Midi, mais sans la foule chamoniarde ! Nous rejoignons bientôt une brèche ou un beau petit rappel de 60m nous pose à la rimaye. Nous retrouvons des dalles inclinées pour notre descente jusqu’à Gertrude Saddle, où la vue est splendide, donnant au loin sur le fiord de Milford Sound. Nous voyons des montagne partout autour de nous, à perte de vue. Ici il reste des zones entières totalement inexplorées, et le potentiel d'ouvertures, en hiver comme en été est énorme, pour ceux qui aiment l'aventure, les endroits reculés, l'incertitude…
L'approche jusqu'a l'arete Est du Talbot, super chouette dans des dalles #scrambling
Sur le glacier, avec Ceri, gardienne de Homer Hut
On sait pas ou on va, mais on y va!!!
Photo-concept, le massif des Darrans
Un relais valide ou pas?
Allez les enfants, on rentre a la zonzon!
Au "sommet", avec Jonas et Ceri!
Au dessus de Gertrude Saddle, un col aussi beau que son nom est laid!
Le Black Lake, avec Barrier Peak en arriere-plan, le coin est une mine de courses pour tout niveaux.
Gertrude Saddle
Après ces quelques jours à grimper dans les Darrans, nous arrivons malheureusement à cours de vivres, et la pluie est annoncée, nous décidons donc de revenir sur Te Anau, puis de remonter la côte Est dans la semaine qu'il nous reste ! Quelques petits secteurs de grimpe se trouvent sur notre chemin, notamment vers Dunedin, et nous envisageons un dernier petit sommet dans le pays, le Cloudy Peak non loin de Christchurch, peut-être en compagnie de membres du club alpin local !
A la bouffe!!!
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les jours à faire du stop sont loin d’être dénués d'aventures toutes aussi excitantes que dans les montagnes. Partis de Te Anau vers la mi-journée, nous trouvons une voiture en à peine deux minutes. Notre chauffeur est aujourd’hui un jeune chef cuisinier d'origine indienne fraichement diplômé en Nouvelle-Zélande. Il va jusqu’à Invercarghill et, même si Justine nous a brossé un portrait peu reluisant de cette ville au dynamisme quasi nul, nous acceptons la balade. L'auto stop devrait être plus aisé sur les grand axes. Quelques km plus loin c’est au tour d'un allemand de monter dans le minibus de notre ami indien et la joyeuse troupe file vers le sud à travers un paysage de plus en plus plat. Nous approchons de la mer. Après nous avoir déposé à l’extérieur de la ville, nous improvisons un déjeuner sur l'herbe en bord de route, bercés par la légère brise provoqué par le passage turbulent des camions, 2 mètres devant nous. L'herbe est grasse et tendre à souhait. Une voiture finira quand même par s’arrêter et un Maori massif bardé de tatouages et à la coupe de cheveux singulière (rasé partout sauf la queue de cheval) nous fait signe de monter. Il a un sacré accent, tout comme nous, et tout le monde doit tendre l’oreille pour comprendre ce que chacun dit. Il revient de la pêche et à le coffre rempli des plus grosses langoustes qu'on ait jamais vu ! Il nous parle de son goût pour la chasse, particulièrement la chasse au couteau, sans fusil. C’est beaucoup plus excitant nous assure-t-il. Gare à la proie qui se ferait charger par un tel mastodonte un couteau à la main !
À peine déposés, nous voici repartis à bord de la voiture d'un autre chef kiwi en direction de Gore. Ce sera le bouquet final de cette journée de stop. Discussion banale d’abord, puis soudain il prend la parole comme s'il avait quelque chose à dire qu'il ne pouvait plus retenir : « Bon en fait, je suis pas vraiment chef en ce moment… je sais pas si je vous le dis, c'est un peu secret. Bon allez ! Je fais pousser du pot (l'argot pour l'herbe, la beuh, la marie-Jeanne) et… FUCK YEAH je me suis fait un max de thune aujourd’hui j’ai tout vendu !!! » Sur ce, il sort de la boite à gant une énorme liasse d'environ 15000 $ NZ et la brandit triomphalement devant nos yeux ébahis ! « 2 mois de boulot guys ! » déclare-t-il fièrement. « Je vous aurai bien filer un sachet mais j'ai plus rien. » Il est vraiment content de lui et veut faire partager sa joie. On est bien réceptifs à son enthousiasme, sachant que nous sommes tombés sur un sacré phénomène qui vient s’ajouter à cette journée comme la cerise sur le gâteau ! Quand il nous dépose au camping, un endroit encore loufoque au milieu d’un terrain de courses hippiques il lâche un poil goguenard « hey, je savais même pas qu’il y avait un camping ici ! J’ai directement acheté ma maison en cash quand je suis arrivé il y a 2 ans… »
C'est tout pour l'instant, vous avez déjà assez de lecture, non ?
Au passage, vu que nous sommes enfin arrivés à faire des photos du drapeau sans vent et en montagne, profitons en pour remercier nos sponsors que vous pouvez voir sur notre fier étendard. Merci à l’Auberge du Rhin, restaurant de spécialités alsaciennes à Grenoble Merci à Alérion, cabinet d'avocats parisien Merci aux magasins Expé et Vieux Campeur Merci à la FFCAM et aux Équipes Jeunes Alpinistes Isère ! Sans eux et sans tous ceux qui ont participés au crowdfunding, vous ne pourriez pas lire nos péripéties au bout du monde. Sans vous tous, des endroits comme la Nouvelle-Zélande seraient restés des points obscurs sur la carte, livrés à notre imagination et à notre jugement d’Européens. Merci de nous donner l’opportunité de voir et d'apprendre autant. Nous espérons que, même si vous n’êtes pass physiquement avec nous, vous en apprenez tout autant ! À bientôt pour les derniers jours de la voix des Cimes en Nouvelle-Zélande !