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Un été aux sommets

Un été à la plage, c’est d’une banalité. « La montagne y’a qu’ça de vrai ! » s’écrie le montagnard snob. Et en bivouac s’il vous plait. Oui c’est aussi plus facile pour le porte-monnaie du snob des Alpes de se retirer dans les solitudes des sommets que de flamber dans les boites méditerranéennes.

Suivant cette logique, l’été fut ponctué de réalisations montagnardes de tous poils de Chamonix jusqu’en Corse en passant par les Ecrins et la Suisse. Retour non exhaustif sur un été au frais, zer.

Le bal s’est ouvert le 9 juin par un weekend prolongé sur Chamonix avec les équipes départementales Jeunes alpinistes de l’Isère. L’ambiance est à l’acclimatation en prévision du Mont Blanc pour le weekend suivant. Au menu : de l’arête (Cosmiques, l’M) des grandes voies fissures typiquement chamoniarde (voies Contamine aux Pointe Lachenal, Rébuffat à l’Aiguille du Midi) et parcours glaciaire chronométré (on n’est pas là pour enfiler des perles) sur la Mer de Glace. Adaptation météo oblige, nous faisons un crochet au pilier Lomasti dans le Val d’Aoste (Sylvie 6c+ max, Captain Cook 7b max et j’en oublie).

Le 18 Juin approche et le mauvais temps sur le Mont Blanc nous contraint de changer notre fusil d’épaule. L’objectif est de produire un film sur le thème «la parité au sommet », en partenariat avec la Metro de Grenoble (qui nous a gracieusement concédé une bourse). Nos regards se portent sur la Barre des Ecrins, emblématique sommet de 4102m au cœur des Ecrins sauvages. Traversée Sud-Nord pour certains, couloir de Barre Noire pour d’autres. Ce sera la traversée pour moi, en compagnie du groupe espoir des équipes Jeunes Apinistes Isère. Une épopée de 17h de grimpe ! Ralentis dès le début de la face par une fine pellicule de glace qui s’est déposée sur les longueurs en III, rendant la progression en corde tendue délicate, nous débouchons au sommet avec plus d’une heure de retard sur l’horaire prévu. Heureux d’être réunis au sommet avec tous les autres, la partie est pourtant loin d’être gagnée ! D’autant que la route de la Bérarde ferme à 19h à cause de travaux. La descente interminable jusqu’au col des Ecrins dans la neige profonde ruine tout espoirs d’arriver dans les temps. Le clocher de l’église de la Bérarde n’apparaîtra que vers les 19h… Groggys de fatigue, nous ingurgitons les restes du pique-nique sans réelle faim avant de nous endormir sur les lits du Chalet alpin de la Bérarde. Le retour au boulot attendra le lendemain matin !

Entre stage de parapente et séjour chez les chasseurs alpins du 27ème BCA, ma prochaine rencontre avec la montagne attendra jusqu’au 21 Juillet. Mais quelle rencontre ! En ligne de mire depuis un certain temps, le Cervin alias Matterhorn se devait d’être le symbole résumant cette année aux sommets. Choix contestable pour les puristes qui préféreront la solitude de l’Oisans, ça n’en reste pas moins un classique qui laisse rêveur. Et effrayé. Quelque 500 alpinistes ont laissés leur vies là-haut, et beaucoup étaient loin d’être des pieds-nickelés. Entre excitation et appréhension mon cœur balance. Deux sentiments qui m’attirent pourtant irrémédiablement vers ce sommet acéré aux pentes chargées d’Histoire. Pour étoffer un peu plus la symbolique de l’ascension, c’est encordé avec mon paternel que je m’élancerai à l’assaut de l’arête Hörnli. Je dois bien ça à celui qui m’a fait découvrir l’infini des montagnes. Et puis la Suisse c’est cher aussi, restons pragmatiques, on emporte le daron !

Le Cervin et sa voie normale, même quand on sait à quoi s’attendre, ça reste un choc. Déjà la silhouette. Massive. Enorme dent isolée au milieu des glaciers ronds qui pullulent. Loin de l’image réconfortante sur le paquet de Toblerone : « Merde, on monte comment là-haut ? ». Le topo, lut relut, mémorisé point par point nous sera quasi inutile. On ne se projette pas au Cervin, on le vit. Et on suit gentiment les guides aussi, parce que eux connaissent le chemin sur le bout des doigts pour le coup. A propos des guides, ceux-ci vont de pairs avec leurs clients, très (trop) nombreux sur la voie classique la plus accessible. L’image de la file ininterrompue des lampes frontales est dans tous les esprits. Vivre cet instant reste très folklorique, comme si c’était devenu une sorte de tradition cerviniesque. En bref, c’est le bordel. Au début tout le monde il est gentil. Pousser son voisin au cul et lui planter ses crampons dans la main c’est pour plus tard. 4h du mat’, ça jacte dans toutes les langues, ça remue de partout, le refuge est une vraie ruche et le départ de la voie ressemble à la devanture d’un Apple Store à la sortie du dernier IPhone. Heureusement la montagne est grande et tout ce monde est vite absorbé. On n’en reste pas moins proches les uns des autres, dans une sorte d’immense bite-à-cul sur toute l’arête. Le bordel 2.0 arrive un peu plus tard, lorsque les premières cordées redescendent alors que d’autres montent encore. Les guides locaux se transforment alors en maraîchers, adoptant la très efficace technique du « sac à patates ». Après la photo rituelle au sommet, le guide zermattois fait descendre son client tenu très serré jusqu’à de grosses clés métalliques fichées dans la pierre. Après deux tours de cordes autours de ces pics, le client est soudain lancé dans le vide sans ménagement avec force cris d’effroi à consonance nippone le plus souvent. Le guide n’en a cure et saute bientôt de son perchoir pour rejoindre en courant son Japonais et recommencer la manœuvre autant de fois que nécessaire.

Ces situations pour le moins cocasses n’enlèvent pourtant rien, ou si peu, à l’exaltation du voyage. Un voyage tout de même sous le signe de l’alpinisme et donc de l’aventure : même sur l’itinéraire classique bondé, l’itinéraire est loin d’être évident. On a quelques pensées admiratrices à la bande à Whymper et Croz, les premiers au sommet en 1865! Au final, du moment qu’on est averti de l’ambiance, pourquoi ne s’en accommoderait-on pas pour en profiter au maximum ?


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